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La tour décapitée de Chalais, située sur un petit monticule isolé dominant le village, était, au commencement du XIIIe siècle, la demeure de noble Guillaume de Chalex, vassal de l’évêque Boson de Granges, qu’il suivit en Idumée (Palestine), à la sixième croisade.



A la mort de son père, Guillaume de Chaley, par un acte contracté entre l’évêque et les seigneurs de la Tour, devenait homme lige de ces derniers.



C’est à contrecoeur que le vieux Chevalier de Chaley, fier de son titre de Croisé, accepta la vassalité d’un de La Tour, dont l’orgueil et la fierté étaient proverbiaux.



Des démêlés survinrent à maintes reprises entre les deux familles et le sire de Chalais ne dut qu’à son grand âge de ne pas croiser le fer avec son odieux suzerain.



La mort de Guillaume de Chaley, qui survint en 1260, fit passer la vassalité sur son fils, Boson, un seigneur aussi fier qu’un de la Tour, mais juste, bon et brave jusqu’à l’héroïsme. Il avait épousé Amphélise de Montjovet, fille de Pierre de Montjovet, seigneur de Granges.



De ce mariage était née Marguerite, qui, à l’âge de vingt ans, fut fiancée à Mermet d’Ollon, seigneur de Granges. A la mort de son père, Boson de Chaley se trouvait donc vassal de Guillaume de La Tour, et cette sujétion lui était insupportable. Il détestait ce hautain seigneur, qui, par ses exactions envers ses justiciables, aussi bien que par une conduite dissolue, s’était rendu odieux au peuple et à ses vassaux.



Plus d’une fois, de La Tour avait cherché querelle au seigneur de Chalais, mais devant l’attitude fière et énergique de son vassal, il avait jugé prudent de ne pas pousser jusqu’à la brouille.



Une après-midi d’une belle journée d’automne, la damoiselle de Chaley, accompagnée de son fidèle levrier, se promenait dans les sentiers déserts et broussailleux qui, en ce temps-là, reliaient la tour de Chalais à celle d’Ollon.



Elle songeait au fiancé bien-aimé, dont elle serait bientôt l’heureuse épouse. Car Mermet d’Ollon était un féal chevalier autant qu’un riche châtelain dont on vantait les sentiments généreux et chevaleresques.



Marguerite de Chalex était l’incarnation de la jeunesse dans toute sa beauté et toute sa fraîcheur ; ses grands yeux bleus de pervenche respiraient l’innocence et le bonheur, et l’on disait, dans la Seigneurie, qu’il n’y aurait pas d’hymen mieux assorti.



Le temps était superbe ; le soleil couchant dorait de ses derniers feux le castel d’Ollon qui, au premier printemps, serait sa demeure. Emue, la jeune fille s’assit sur un tronc d’arbre, au milieu d’un fourré et se mit à rêver… comme on rêve à vingt ans.



Tout à coup les branches des arbrisseaux s’écartèrent, et, avant qu’elle eût le temps de se retourner, la damoiselle de Chaley se sentit saisie par la taille, tandis qu’un visage d’homme effleurait le sien, et y déposait un baiser. Epouvantée, la timide enfant poussa un cri, et lança son lévrier contre l’incongru, qui fut mordu et dut fuir, son haut-de-chausse en lambeaux. L’impudent agresseur n’était autre que Guillaume de La Tour, qui, en sa qualité de seigneur suzerain, s’arrogeait un droit usurpateur sur la fille de son vassal.



Marguerite rentra au château en pleurant, et mit rapidement son père au courant de sa désagréable aventure, et de la belle conduite du lévrier qui l’avait défendue contre toute autre tentative de la part du licencieux baron.



Le lendemain matin, le sire de Chaley, furieux de l’affront reçu jura de venger l’honneur de son nom, et envoya un cartel à Guillaume de La Tour, le provoquant pour le lendemain, à l’aube, à un combat singulier.



Le duel eut lieu à l’heure dite ; les deux combattants, armés de lourdes épées, fondirent l’un sur l’autre avec une égale impétuosité.



De La Tour, plus adroit au maniement des armes, harcelait son adversaire dont l’épée commençait à s’émousser sur la cuirasse et la cotte de mailles qu’il frappait à coups redoublés sans grand succès.



Le semblait pencher en faveur du baron de La Tour quand soudain apparut en courant la damoiselle de Chaley qui, affolée, ayant pressenti quelque malheur, se jeta à genoux devant les combattants, les suppliant avec larmes, d’arrêter le combat.



Mais la vue de sa fille et le souvenir de l’affront qu’elle avait reçu centuplèrent la force et le courage de Boson qui,  d’un formidable coup adroitement lancé sur le col, fit rouler le casque de son ennemi et mit à nu son visage d’où le sang ruisselait.



De La Tour n’était pas occis, mais il était vaincu, et après plusieurs mois passés entre la vie et la mort, il guérit, mais il avait perdu un œil, et resta sourd jusqu’à sa fin.



De La Tour était trop fier pour supporter la sanglante humiliation que lui avait infligée son vassal. Dès qu’il se sentit hors de danger et renaître à la vie, son esprit fut torturé par un insurmontable désir de vengeance.



Dans les longs jours de sa convalescence, il machina les plus sinistres desseins, qu’il mettrait à exécution sitôt ses forces complètement rétablies.



Il savait le seigneur d’Ollon doux et pacifique, vivant très retiré dans son fief, peu apte au maniement des armes, n’ayant jamais guerroyé que contre le gibier qui foisonnait dans les forêts de Chermignon.



C’est lui qu’il fallait atteindre, et, par là, empêcher son union avec la fille du sire de Chaley. «  Cette petite malepeste, d’où était venu tout le mal. » Ainsi pensait de La Tour, tandis qu’il maudissait son vassale et se répandait en imprécations contre le misérable qui l’avait rendu borgne et sourd pour le restant de ses jours.



Il roula dans son cerveau toutes sortes de projets pervers, et finit par s’arrêter à l’arme empoisonnée, qui, de tout temps fit tant de mal, consacra tant d’erreurs et d’injustices, fit couler tant de larmes : la calomnie.



Il allait faire répandre le bruit qu’il avait surpris la damoiselle de Chaley en « galante compagnie » dans les bois de Vercorin, et que c’était pour se venger d’avoir été découverte, qu’elle l’avait accusé de lui avoir dérobé un baiser.



Ces propos arrivant aux oreilles du seigneur d’Ollon, ou lui feraient rompre ses fiançailles ou l’amèneraient à croiser le fer avec lui. Dans ce cas, c’était sa mort.



Ainsi pensait l’astucieux baron, qui n’aurait de repos tant que sa haine ne serait pas assouvie.



Mais il avait compté sans le Ciel et la justice immanente, qui, à défaut d’autre, se charge presque toujours de réhabiliter l’innocent.



Les infâmes accusations de Guillaume de La Tour arrivèrent le même jour aux oreilles du sire de Chaley ; il en connaissait la source, et s’en fut sur-le-champ, à grandes chevauchées, trouver l’insulteur et le somma d’avoir à se rétracter publiquement ou à croiser une seconde fois le fer avec lui.



De La Tour était trop fier pour se désavouer en public, et quelles que fussent ses craintes sur l’issue d’un combat en champ clos contre son terrible adversaire, il accepta, la rage au cœur, le duel qui fut fixé au lendemain matin.



Le sire de Chaley convoqua aussitôt tous les seigneurs du pays à la rencontre, et le lendemain, avant que le soleil eût moucheté d’or les monts de Lens, le champ clos était entouré de brillants seigneurs, barons et chevaliers de la Seigneurie de Granges, impatients de voir le preux sire de Chaley infliger un châtiment mérité au parjure de La Tour, unanimement détesté.



Il y avait là les seigneurs d’Anniviers, les de Morestel, les Albi, les de Montjovet, les Tavelli, les d’Ollon et d’autres encore.



Avant le combat, le sire de Chaley fit connaître aux assistants la cause du duel, jurant à la face du Ciel, qu’il n’avait d’autre but, venant ici, que de venger l’honneur de sa fille, indignement calomniée par le seigneur Guillaume de La Tour.



Il y eut, dans l’assistance, un murmure d’approbation, et de La Tour, blême et rageur, se mit en garde.



A un signal donné, les deux adversaires se précipitèrent, l’épée haute, et frappèrent, d’estoc et de taille.



Mais il était visible que de La Tour, borgne et sourd, n’avait plus l’assurance d’autrefois, que ses coups étaient hésitants et portaient mal, tandis que la contenance du sire de Chaley faisait prévoir un rapide et fatal dénouement pour son ennemi.



A un moment donnée, soit par faiblesse, soit par feinte, de La Tour roula sur le sol en lâchant son épée.



C’est ici qu’apparaît tout la magnanimité, toute la grandeur d’âme du sire de Chaley.



Au lieu de profiter de cette position  critique de son adversaire, et de l’égorger froidement, Chalex baissa son épée et dit très haut, pour de La Tour puisse l’entendre : «  Braves Seigneurs et Chevaliers ici présents, je vous prends à témoins que je ne veux pas souiller la fin de ma vie par une victoire trop facile, qui ressemblerait à un meurtre. Il ne tiendrait qu’à moi d’en finir avec celui qui, injustement me poursuit de sa haine et voudrait me frapper dans mes plus chères affections.


Mon âme chrétienne s’y refuse, autant que mon honneur de chevalier. Je considère donc comme vengé l’honneur de ma fille, à moins que son insulteur n’en juge autrement. »





De La Tour s’était relevé ; il avait entendu les paroles si élevées de son ennemi, et comme il sentait que la reprise du combat ne pourrait lui être que funeste, il préféra y renoncer. Et pour ne pas paraître moins digne que son adversaire, il s’avança vers Chaley et lui tendit la main de réconciliation.



Mais l’humiliation avait été trop grande, et peu de temps après, Guillaume de La Tour était emporté par une fièvre maligne.



Et nul ne le pleura dans toute la Seigneurie.



Au printemps de l’année suivante, on célébrait joyeusement, au Château de Chalex, le mariage du seigneur Mermet d’Ollon avec la gente demoiselle de Chalex.



Et nul hymen ne « fust onques » plus heureux.



Quant au preux sire Boson de Chalex, il s’éteignit en l’an 1298 et, sur sa demande, fut inhumé au prieuré de Géronde, dépendant de l’abbaye d’Abondance en Chablais.