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Un jeune homme de Vercorin fréquentait une jeune fille.

Un été, cette dernière se trouvait à la montagne de Sigeroule où elle était ménagère des pâtres. Souvent l’amant alla lui faire visite. Il arriva cependant, quelque fois, que la fille lui dit, ou lui fit dire par commission, de ne pas monter  à l’alpe, prétextant tantôt un motif tantôt un autre. L’amant, intrigué de ces renvois qu’il trouvait déplaisants, en conçu de violents soupçons et résolut d’en avoir le cœur net.

Il advint donc qu’un soir la fiancée lui dit dans un entretien de ne pas venir passer la soirée d’un jour indiqué, car elle n’y serait pas, devant aller en plaine tourner les foins.

Le jeune homme ne fit pas semblant, promit de tenir parole, mais le soir indiqué il prit le chemin de la montagne et s’approcha tout doucement du chalet. Les volets en étaient fermés.Il regarda par une fente de la porte pour s’assurer que personne n’y était. Mais, ô surprise! Il aperçu, se tenant debout sur le foyer, son amante et sa sœur en train de faire mille simagrées. Il colla l’oreille contre le bois de la porte et entendit sa fiancée dire: «Par le bois et par les feuilles». Une vive lumière jaillit sur le foyer et ayant de nouveau regardé, il vit les deux jeunes filles dans leurs belles robes de dimanche s’envoler par l’ouverture de la cheminée. Comprenant que quelque chose de diabolique se passait et prenant courage, il enfonça la porte, se jeta sur le foyer et cria à son tout la formule critique (mystérieuse sans doute).

Mal lui en prit. Il fut jeté contre les arbres, piqué par les épines des buissons et tout meurtri, il arriva sur une montagne qu’il n’avait jamais vue. Au milieu, il vit nombre de tables dressées, chargées, de mets divers. Une grande chaudière fumait sur un brasier intense. Autour une multitude de fantômes se pressaient pêle-mêle. Il s’ensuivit un grand festin.L’amant s’assit à une table et on lui servit un cuissot d’une vache. Au sommet de la table, comme président, était assis un monsieur tout noir. Près de lui, il distingua fort bien sa fiancée et la sœur de celle-ci. Après qu’ils eurent bien fait la noce, un valet ramassa tous les os et les apporta devant le monsieur tout noir au sommet de la table. Celui-ci compta et constata qu’il manquait un morceau.Il leva en l’air une espèce de trident et aussitôt les os se réunirent et formèrent une belle vache, mais à la cuisse un morceau faisait défaut.

Alors le président dit à haute voix: «Un être indigne a surpris notre convention. Ou qu’il signe le pacte ou qu’il meure.»Aussitôt un valet aux yeux comme des charbons ardents apporta un cartable et un tison fumant pour lui servir de plume. Une peur horrible s’empara de l’âme de notre homme qui dans son angoisse prit le tison et marqua une grande croix sur le cartable. A ce signe, un vacarme infernal se produisit. Les mots magique perdirent leur efficacité et le sortilège cessa.

Il resta seul sur l’alpe; tables, convives: tout avait disparu.Le fiancé retourna tremblant chez lui, ne pensa plus à sa «maîtresse», dont il chassa le souvenir de son âme comme un horrible péché mortel. Quand à la fille du diable, elle dut s’expatrier et on ne la revit jamais plus.


11 Voir Jegerlehner, Sagen aus dem Unterwallis et Louis Courthion, les Veillées des Mayens.