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Entre Grimentz et Vercorin, existe un petit lac portant le nom de lac de Lona.

 

Un alpage florissant s’étendait autrefois autour de ses rives, aujourd’hui presque désertes. Les allodiateurs (amodiateurs) de cette montagne se réunissaient annuellement pour en nommer les serviteur; savoir: le pâtre (chef), le grand vacher, le petit vacher, le ligneron (conducteur du bois) et le majô (berger des porcs).

Chaque serviteur avait un département bien déterminé et le gage lui était payé en fruits. La repourvue de ces places donnait lieu à de véritables cabales; en récompense des suffrages reçus, les chefs nommés favorisaient en retour leurs commettants.

Or, il advint un jour qu’un certain fut nommé grâce à une cabale assidue qu’il avait menée. Reconnaissant de sa nomination, il agit avec partialité en faveur des allodiateurs à lui dévoués, en soignant mieux leurs vaches et en leur attribuant plus de lait qu’ils n’en avaient droit lors du mesurage.

Un beau jour, trois chasseurs de chamois partirent de Vissoie le vendredi des quatre-temps d’automne pour faire une tournée dans les montagnes. Avant de se mettre en route, ils eurent soin d’assister à l’office des quatre-temps à Vissoie. Leur intention était d’aller jusqu’aux Becs de Bosson.Chemin faisant, près du lac de Lona, un des chasseurs vit une chose étrange.

Aussitôt, il attira l’attention de ses camarades sur ce phénomène; et ils virent près du chalet de Lona un homme avec un bonnet de peau de mouton et une veste en drap du pays, les revers en laine rouge; des culottes de même étoffe, un gilet avec des boutons de cuir et des bas en tril blanc formant canon. Ses pieds étaient chaussés de souliers à bouteille.

A leur grand étonnement, cet homme ne s’éloigna pas, malgré leur approche. Il avait bien plus l’air, à en juger d’après ses gestes, de vouloir entrer en conversation avec eux. Sa façon leur semblait familière. Les chasseurs, suivant la louable habitude des gens de l’endroit, saluèrent l’étranger en lui disant: «Loué Jésus-Christ!», et ils se signèrent. L’inconnu qui, jusque-là s’était comporté comme un muet finit par répondre «ainsi soit-il! ».

Les chasseurs lui demandèrent alors: «Mais comment se fait-il que vous soyez encore à l’alpage, alors que tout le troupeau est déjà en plaine? Vous nous paraissez connu et ressemblez à quelqu’un  de notre commune dont le nom nous échappe, que faites-vous ici?»

Le pâtre répondit: «Pour l’édification de ceux qui  peuvent encore en profiter, je vous dis que c’est grâce à ce que vous avez assisté ce matin à la messe de morts, en notre église à Vissoie, que je puis communiquer avec les vivants. Je suis un tel… qui a été pâtre dans cette montagne pendant plusieurs années.

 

Pendant ce temps j’ai, par des manœuvres frauduleuses, favorisé les allodiateurs qui m’avaient donné leur voix. J’ai cependant toujours passé dans ma commune pou un homme intègre et j’ai joui de la considération de mes concitoyens. Par respect humain, je n’ai jamais ouvert ma conscience à un prêtre et par cupidité je n’ai jamais réparé le tort que j’avais causé.

 

Pour pénitence de ces méfaits, j’ai été condamné par la justice divine à fruiter l’eau de la Navizence jusqu’au jour où j’aurai fait assez de beurre et de fromage pour dédommager tous ceux auxquels j’ai volé le mesurage».

 

Après ce parlement (discours), le pâtre disparut comme il était venu. Les trois chasseurs abandonnèrent, comme bien on le pense, leur projet d’aller aux Becs de Bosson et s’en allèrent à toutes jambes à Vissoie raconter aux leurs ce qu’ils avaient vu.

Et maintenant encore, quand la Navizence roule ses flots laiteux, les gens de la vallée disent: «Le fruitier de Lona bat son beurre».



1 Voir la version de Mario***, p. 57