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Les pâtres de Vercorin avaient et ont encore la réputation d’être les meilleurs fruitiers de la région. Leur talent les faisait rechercher pour la direction des alpages.

 

L’alpe de Ténébré se trouvait sur les coteaux de Vercorin, dans un endroit à l’accès facile, et d’une féconde exploitation, à tel point que les pâtres pouvaient s’accorder bien du repos.

 

Aussi usaient-ils leurs loisirs à jouer aux palets (boules).

Ils en étaient venus à faire des quilles avec du sérac et façonnaient les boules avec des pelotes de beurre.

 

Cette aisance mal employée devait les perdre. –

 

Parmi les fruitiers se trouvait un fois un pâtre, homme au cœur dur comme pierre – les pelotes de beurre, qu’il fabriquait pour en faire des boules de quilles, étaient bien plus tendres que son cœur.

 

Souvent de pauvres gens venaient dans les alpages quérir l’aumône. Dans les autres montagnes on avait coutume de donner aux pauvres passants tout le sérac maigre.

 

Un jour arriva à Ténébré un homme dans l’âge, mais dont l’aspect misérable laissait voir une constitution des plus débiles ; on aurait dit un homme se relevant de maladie. Il s’adressa au maître fruitier et le pria de lui faire l’aumône d’un peut de sérac et de petit lait. De tout temps, en effet, on attribuait au petit lait une puissance très curative.

 

Le maître fruitier, qui soit dit en passant était par-dessus le marché un grand juriste (jurait comme un pendu), le rechigna et le reçu fort mal en lui disant: «A Ténébré, il y a assez de cochons pour manger le sérac maigre et boire le petit lait sans que les forains (1) se mêlent de la besogne».

 

Notre homme, au vu de ce refus méprisant, partit, las, fatigué de sa longue course. Peu s’en fallut qu’il tombât exténué.Un peu plus loin, il rencontra le majô (berger de porcs). Touché de pitié à son aspect, le majô lui donna un morceau de pain et de sérac qu’il tira de son sac en toile grise qu’il portait en bandoulière.

 

L’homme remercia fort respectueusement et dit: «Que le Bon Dieu te le rende! Mais en attendant je veux te dire de ne pas aller coucher au travers du chemin qui va vers le précipice comme tu en as l’habitude quand tu es de garde, mais va plutôt te mettre plus haut, car demain tu verras du nouveau. »Le mendiant, à ces mots, quitta l’alpage en dévalant le chemin dangereux.

 

Au détour il regarda en arrière et, s’adressant à l’alpage, il dit: «Par où la pauvreté méprisée a dû quitter lentement, la fortune superbe s’en ira promptement. Montagne de Ténébré, jamais plus tu ne «terraineras»! (reverdiras!). Cette malédiction se répercuta comme un coup de tonnerre dans doute la montagne.

 

Le majô suivit le conseil de l’étranger. Pendant son sommeil, il eut un songe: il voyait des pâtres nombreux chasser le troupeau à coups de fouets vers le précipice. Toutes les vaches s’y engouffraient et périssaient. Un éboulis descendant de la montagne recouvrait l’alpe de monstrueux débris, il ne restait plus rien que la place où il était couché.

 

Réveillé en sursaut par ce rêve étrange, le majô ouvrit les yeux. Mai ô surprise! C’est en vain que ses yeux cherchaient l’alpe de Ténébré. Son songe était devenu réalité. Le majô comprit alors que l’étranger auquel il avait fait l’aumône n’était autre que Jésus-Christ, déguisé sous les haillons d’un mendiant, venu là, pour éprouver les pâtres, et que sa bonne action l’avait préservé de la colère divine, tandis que les pâtres sans pitié avaient reçu le châtiment qu’ils méritaient.

 

Cette légende si peu flatteuse qui met en doute l’hospitalité bien connue de Vercorin se raconte aussi dans la contrée de Sierre (La Plaine Morte). Les deux parties la désavouent en la prêtant au vis-à-vis. Aussi luttent-elles de générosité pour effacer cette légende. Mais toujours est-il que Ténébré n’a plus jamais «terrainé».

 

(1): Gens étrangers à la commune