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Essayez tout d’abord de vous représenter un village qui domine d’un côté la vallée d’Anniviers, où vous n’avez jamais pénétré, et de l’autre la vallée du Rhône que vous n’avez fait qu’entrevoir à travers les glaces du wagon où, les yeux à demi clos, vous flottiez entre la veille et le sommeil, un village si haut perché que les bruits de la plaine ne l’atteignent pas, encore moins le sifflet des locomotives, et où dès qu’il pleut, - ceci soit dit sans malice, - on est dans les nuages.

Quoi qu’il en soit, un village avenant, solidement campé sur son plateau, les pieds sur le roc, le front au soleil. Avec cela tant d’air, tant de lumière, tant d’espace, que tout y respire, passez-moi l’expression, une sorte de royauté sereine.

Placez ce village si grandiosement paisible dans son cadre naturel, un amphithéâtre immense de cimes variées, fières ou dentelées, chauves ou neigeuses, et vous aurez le tableau.



Un tel site ne pouvait échapper à la convoitise des hommes. Les chamois et les fauves n’en furent pas longtemps les seuls possesseurs, ainsi que l’attestent de vieux documents qui signalent déjà sur ces hauteurs l’existence d’une église à l’époque encore reculée où les paroisses étaient rares dans le pays. Des gens de la plaine, trouvant que l’endroit était bon, étaient venus s’y établir avec leurs troupeaux. Néanmoins, les habitants de Vercorin durent se résigner à vivre à l’amiable, autant que faire se pouvait, avec les loups et les ours qui, fort de leur nombre et de leur droit d’ancienneté, conservèrent pendant de longs siècles la cojouissance des alpages et des forêts avoisinantes.

Aujourd’hui encore, les vieillards se souviennent du temps où les derniers descendants de ces fiers quadrupèdes venaient, dans les belles journées de printemps, piquer un soleil à la lisière des sapins.

Il n’y a pas d’auberge ici, pas le plus modeste restaurant, pas l’ombre d’une boutique. Une boulangerie y est chose inconnue, et jusqu’au pain que nous mangeons, toutes les provisions nous arrivent à dos d’homme ou de mulet.

Plus primitifs, les naturels du pays, que vous ne l’aviez supposé, n’est-il pas vrai ?
N’importe. On n’en rêve que mieux d’âge d’or.

La maison où j’ai reçu l’hospitalité, une construction antique, moitié ferme, moitié manoir, se dresse avec sa petite chapelle sur une sorte d’esplanade à l’entrée du village. Deux tilleuls de dimension colossale, mais remarquables surtout à une altitude où l’on ne chercherait guère d’arbres de cette espèce, encadrent l’habitation. C’est sous leur ombre, comme sur la pelouse qui s'étend devant la porte d’entrée, que l’après-midi du dimanche et des jours de fête, les gens du village, hommes et femmes, se rassemblent. Tandis que les jeunes jouent aux boules, les autres assis sur les murs de clôture, ou étendus sur le gazon, devisent paisiblement à leur manière.Toute maison à sa légende. S’il faut en croire les montagnards, celle-ci est hantée par les esprits. Qu’elle soit hantée, cela est hors de doute, mais à la seule différence, autant que j’ai pu en juger, que les revenants s’y montrent en chair et en os, et ne sont autres que les visiteurs et les gens de la plaine qu’un accueil toujours gracieux encourage à de fréquentes apparitions.

 

    Ecrit en 1886