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Par quel chemin


De Sierre où je me trouvais en ce moment-là, deux chemins conduisent à Vercorin. L’un, le plus court, et en plusieurs endroits quais vertical, se présente au regard aussitôt qu’on a dépassé le village de Chippis. Par celui-ci, en deux heures et demie, pour quiconque est doté de de bons jarrets, l’ascension est chose facile. L’autre, le plus long, mais aussi le moins fatigant pour les chevaux pesamment chargés de bagages ou de marchandises, n’arrive au pied de la montagne que par un long circuit et après avoir suivi en paresseux la plaine pendant environ une heure. C’était celui qu’avait choisi mon guide. Je lui avais laissé la liberté de l’itinéraire.

 


En route


Le bonhomme me fit monter sur une sorte de char à  bancs, où préalablement il avait entassé, tant bien que mal, mes bagages et mes livres. Puis, se plaçant lui-même à côté de moi, il enfila l’unique rue du village et prit au petit trot la grande route dans la direction de Sion.

A droite et à gauche, les arbres fruitiers qui font la haie tout le long de ce grand ruban poudreux, penchaient d’un air piteux leur branches alourdies par le sable et la sécheresse. C’était l’heure où les gens du pays, leurs outils sur l’épaule ou la hotte sur le dos, se rendaient à leur travail. Ceux que nous rencontrions, le visage hâve, les traits fatigués par la température dévorante des jours précédents, comprenant à notre équipement que nous prenions notre vol vers les hautes régions, nous souhaitaient un bon voyage, tout en nous accompagnant du coin de l’œil d’un air d’envie.

 


La procession


Pendant que mes yeux erraient machinalement vers ce paysage aux teintes ternes, je vis sur la hauteur, à quelque distance devant moi, un mouvement inattendu se produire vers la lisière d’une forêt. Derrière les arbres, des formes humaines, blanches comme des ombres, défilaient en bon ordre. A chaque éclaircie, on les voyait reparaître du même pas cadencé, et suivre les méandres d’un petit sentier qui va en serpentant rejoindre un hameau voisin. La première surprise passée, je compris que c’était une de ces processions en usage dans la contrée pendant les temps de la sécheresse. Ainsi que me l’apprit le guide en m’indiquant du bout de son fouet, une petite chapelle à demi cachée par un bouquet de noyers, c’était une paroisse de montagne que se rendait en pèlerinage à ce sanctuaire, dans l’espoir d’obtenir du ciel une peu de pluie pour faire mûrir ses récoltes.

 



Noës


Arrivés au hameau de Noës, nous quittons la grande route. Mon automédon tourne brusquement à gauche, et après avoir traversé la voie ferrée, nous tombons sans transition au milieu des marécages et des terrains inondés. Un chemin, en plusieurs endroits couverts d’eau, et sur lequel les piétons cheminent leurs chaussures à la main, nous conduit sur la rive opposée au moyen d’un beau pont de fer qui enjambe le Rhône à quelques minutes de là.

 


Chalais


Bientôt un gros village, assis au pied de la montagne, un nom historique, Chalais, se présente à nous. Campée sur un monticule, une antique et solide tour carrée qui n’a rien de lugubre se montre en vedette. Ses murailles grises sont en parfaite harmonie avec la nature de son cadre, une vaste campagne, aux tons jaunâtres, dévastée, mélancolique, hérissée de taupinières.

A l’ombre de son ancienne forteresse, et dans un pittoresque désordre, Chalais entasse ses maisons, je veux dire ses baraques, sous les pampres et les noyers. La vigne festonne leurs façades exposées au soleil couchant, et leur vétusté se couvre de verdure. Entre les habitations, des treilles épaisses arrondies en forme de voûtes donnent au village un cachet méridional qui saisit au premier coup d’œil et frappe agréablement la vue.

Nous mettons pied à terre. C’est ici que l’escalade commence. Le cheval dételé n’ira pas à l’écurie, n’ayez peur. On jette un bât sur son dos. Au bât, on accroche deux grands et robustes paniers où l’on empile les bagages. Ce n’est pas tout et, comme si le pauvre animal devait porter l’univers sur son échine, entre les deux paniers, on élève un échafaudage des colis les plus divers : envois postaux, ustensiles et provisions de ménage, baril et paquets ; tout y trouve sa place, n’importe comment. Ainsi chargé, il en a plus qu’il n’en peut porter.

 

 

La montagne


Elle est là devant nous, dressant sur notre tête de sombres parois couronnées de sapins qui nous dérobent la vue des hautes cimes. Le chemin, raviné et creusé par les pluies, grimpe plutôt qu’il ne monte une pente déchirée au travers des cultures et de leurs barrières démolies. Au fur et à mesure qu’il s’élève, il prend des allures de dévaloir. Il est semé de cailloux… On peine à le gravir. Le soleil y darde ses feux.

C’était le moment où les gens du pays retournaient à la montagne pour y faire leurs fenaisons après avoir terminé celles de la plaine. Chassant leurs troupeaux devant eux, ils suivaient la même route que nous, ardue, escarpée, rocailleuse. Ces émigrations locales s’accomplissent en masse à la manière des hirondelles, et se renouvellent plusieurs fois pendant l’année, selon que les besoins de la campagne l’exigent. Le Valais est probablement le seul canton de la Suisse qui offre le spectacle de ces populations nomades, condamnées par la configuration de leur sol natal à n’avoir pas de demeure permanente. Double existence que celle-là, vie primitive, et qui fait penser aux tribus errantes des temps bibliques.

Des familles entières nous rejoignaient, nous devançaient ou cheminaient en notre compagnie et, avec elles, une procession de bestiaux, un défilé de sonnailles, de clochettes et de grelots, avec l’accompagnement en faux-bourdon des beuglements, des grognements, des sourdes bramées et de toute l’expansion naturelle à une arche de Noé à qui l’on vient de donner la volée, chevaux, mulets, vaches, veaux, moutons, porcs et poules, chacun suivant son humeur et ses instincts et y mettant plus ou moins de complaisance.

De bagages, peu ou point ; ces gens-là n’en sauraient que faire ; tout au plus, dans un panier, les habits des grands jours de fête. Deux jeunes filles, leur chapeau du dimanche, ainsi que cela se pratique, posé en pyramide sur leur tête par-dessus celui de la semaine, conduisaient gravement un jeune chat à l’attache au moyen d’un lacet passé à son cou…A mi-hauteur, la beauté du paysage s’épanouit. Le tableau s’égaie de la variété des aspects et de la magie des couleurs, cette éternelle fête des yeux. Il est lumineux comme un paysage italien, et l’ampleur du cadre ne sert qu’à mieux faire ressortir la sobriété des grandes lignes et la richesse des détails.D’un coup d’œil, on embrasse les deux versants de la vallée, ainsi que la plaine qui se déroule comme un damier, candide et souriante sous son pittoresque décor…